Chers lecteurs, pour me faire
pardonner de vous avoir abandonnés pendant deux éternités, je vous livre
aujourd’hui le secret des annonces de recruteurs.
Ouais parce que les petites annonces
d’emploi, c’est comme les petites annonces pour les appartements : quand
on les lit, comme ça, on a l’impression qu’on comprend tous les mots.
Sauf que voyez-vous, jeune padawan,
pour un recruteur, ces mots ont un second sens dont vous ignoriez tout. Et
c’est un coup à se faire bananer.
Voici donc un lexique non-exhaustif
à l’usage des optimistes de tout poil, au but avéré de les faire redescendre
dans la dure réalité du marché de la chair humaine de l’emploi.
FORMATION / CONNAISSANCES
-
« bac +2 maximum » : exigence de patron margoulin. On va vous
demander plein de trucs et vous payer à l’arrache. Ben ouais, vu que vous
n'avez pas de gros diplôme.
-
« bac + 2 minimum » : exigence de patron archi-réac, persuadé
que toute personne de moins de 45 ans et sans un bac + 5 est forcément un
décérébré communiquant exclusivement en langage SMS. Moralité, on va vous
confier des tâches débiles pendant au moins deux ans avant de vous filer un
quelconque taf intéressant. Des fois que.
-
« Permis B exigé » : l’entreprise se trouve dans le trou du c**
du monde et/ou vous devrez récupérer le pressing / les enfants / les courses
Auchan Drive du boss pendant vos pauses déjeuner.
-
« Compétence X appréciée / un plus » : compétence X exigée.
-
« Bilingue anglais » : capable d’articuler trois mots en rosbif
(mais « bilingue », ça fait plus chic)
-
« Facilités avec les outils informatiques » : une phrase qui
peut vouloir dire deux choses :
o Soit on va vous tanker
sur un progiciel maison particulièrement obscur, avec interface moisie de
série,
o Soit vous serez
l’unique recrue capable de bidouiller trois formules un quart sous Excel, ce
qui fera de vous l’éternelle bonne pâte qui dépatouille les collègues
numérignares.
RÉMUNÉRATION :
-
« Salaire : non précisé » : salaire à la tête du
client. Très probablement aux alentours de SMIC + 1 paquet de clopes.
-
« Salaire : selon profil » : voir « salaire : non
précisé ».
-
« Salaire : évolutif » : voir « salaire : non
précisé », avec mention spéciale SMIC sans le paquet de clopes.
-
« Salaire : motivant » : voir « salaire : non
précisé », avec mention spéciale salaire fixe tiers-mondiste et
commissions rarissimes.
LE POSTE LUI-MÊME :
-
« Dans le cadre d’une création de poste » : vous êtes là pour
décharger un service blindé. Les anciens vont vous refiler les merdes qu’ils
attendaient de pouvoir fourguer à quelqu’un depuis des mois.
-
« Entreprise à taille humaine » : petite boîte qui se prend pour
une famille. Le patron risque d’être un fouille-merde notoire, ou au moins un
type salement intrusif. Ne pas compter ses heures (quand on aime…).
-
« Rattaché au (PDG / service technique / etc.) » : larbin du
(PDG / service technique / etc.)
-
« En renfort de l’équipe » : ramasse-crotte de l’équipe. Poste
précaire, fourni uniquement le temps d’un pic d’activité.
-
« Poste basé à X » : dans un premier temps, vous bosserez à X.
Mais attention au siège éjectable (pensez à regarder les clauses de mobilité
avant de signer).
-
« Et divers autres petits travaux » : toutes les bouses
échoueront sur votre bureau.
-
« Accessible aux travailleurs handicapés » : on a besoin de
quelqu’un à foutre dans un placard pour avoir des quotas pas trop crades, alors
valides s’abstenir.1
-
« Possibilité d’évolution en CDI » : on vous fera miroiter le
CDI ad vitam æternam, puis on vous jettera comme un Kleenex.
VOUS :
-
« Très bonne présentation exigée » : non-femme, non-jeune,
non-mince, non-blanche, non-maquillée s’abstenir. Porteuses de Doc Marten’s,
piercings, jeans, hennés / tatouages, ne pas postuler. Potiches bienvenues.
Compétences autres que la poticherie non nécessaires.
-
« Bonnes qualités relationnelles » : vous allez bosser avec les
pires chieurs du monde et vous ne pourrez que serrer les dents en attendant que
ça passe.
-
« Bonnes capacités d’organisation » : le patron est
bordélique en diable. À vous d’écoper quand la barque prend l’eau.
-
« Priorisation des tâches » : voir « Bonnes capacités
d’organisation »
-
« Motivé » : vous êtes la 8e recrue à ce poste en 12
mois OU vous travaillerez 55h payées 35 OU au premier arrêt
maladie de 24h, c’est la porte.
-
« Orienté client » : vous allez passer 90% de votre temps à
faire du SAV au téléphone.
-
« Polyvalent » : vous allez hériter d’un poste mal défini dans
une organisation brouillonne. Vous serez le bouche-trou de service.
-
« Force de proposition » : la boîte est grave dans la mouise.
Vous serez l’œil neuf capable de voir exactement où ça foire. En gros,
consultant avec un salaire d’employé – le tout en plus de vos tâches normales,
bien sûr.
-
« Rigoureux » : pas le droit à l’erreur. Patron tatillon.
-
« Autonome » : pas la peine d’espérer de l’aide des copains.
Vous avez un taf à faire, la formation sera minimaliste et si vous galérez, on
vous laissera crever la gueule ouverte.
-
« Discret » : le patron reçoit des stars ou pique dans la
caisse. Dans un cas comme dans l’autre, interdiction d’en parler à qui que ce
soit.
-
« Flexible / disponible » : horaires improbables qui changent
tous les jours. Vous travaillerez le jour, la nuit, les week-ends, le premier de l'an, pendant votre propre accouchement s'il le faut. Synonyme : « Taillable et corvéable à merci ».
Au final, chers chômistes, ne vous
voilez pas la face : plus l'annonce a l'air mirobolante, plus le taf sera
foireux.
À bon entendeur...
1Et excusez-moi bien, mais je trouve
ça aussi ignoble pour les travailleurs handicapés que pour les travailleurs valides...
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